Cette année là, un Nogentais épris de théâtre, le marquis de St-Ouen, avocat à la cour d’appel de Nancy, acheta les lieux et en fit un vrai théâtre qui connut le succès durant un quart de siècle avec des comédiens de talent dont une Nogentaise célèbre, Mlle Page, née Adèle Suinat, reine des théâtres du Boulevard parisien. Après le décès du marquis, sa veuve vendit l’établissement à la ville en 1863, le maire étant… Félix Etienne dont on rebaptisa de son nom la fameuse place de la Comédie. En 1864 l’architecte Poncy, s’attela à la réfection de la salle de spectacle. Mais, devant l’état des lieux et les avis réservés de la commission des bâtiments, le conseil municipal s’orienta vers la construction d’une salle neuve. Deux emplacements furent envisagés.

La place de l’Abreuvoir, port au Charbon, était privilégiée par la commission des bâtiments pour la proximité de l’eau en cas d’incendie et la disposition sur plusieurs niveaux, en gradin, entre les deux ponts. La place d’Armes, malgré l’abattage des arbres et une position excentrée par rapport à la croissance d’alors de la ville en direction du chemin de fer rive droite de la Seine, fut retenue. Le 16 Novembre 1864 en présence des personnes les plus imposées de la ville, le maire fit reporter la souscription engagée pour le 1er projet de théâtre sur celui de la place d’Armes et sollicita un 2e emprunt auprès d’une liste de notables dont 86 d’entre eux s’exécutèrent. Parmi eux, le président Casimir-Périer pour une somme de 5 000 f. Cet emprunt fut assorti d’une imposition extraordinaire de 13 cents sur les quatre contributions directes payées par les habitants.

Les travaux débutèrent en 1867. Des aménagements souterrains furent nécessaires ce qui augmenta encore les coûts de l’opération et prolongea l’imposition exceptionnelle de 2 ans. Les relations entre l’architecte et les entrepreneurs étaient tendues. Le premier relevait des malfaçons. Les seconds l’accusaient de modifier le soir ce qu’il avait décidé le matin. Des paroles outrageantes et des menaces furent proférées. : «S’il ne vous fallait qu’un coup de pistolet je vous le tirerais de bon cœurs et si mes ouvriers étaient comme moi on vous battrait avec nos règles » déclara l’entrepreneur Merlin à l’architecte Poncy. Le 8 février 1868, le maire Polovitch et le commissaire de police intervinrent pour mettre en demeure les entrepreneurs de terminer leurs travaux et de cesser leurs menaces…. Tiré de Albert Willocx, Nogent-sur-Seine des origines à nos jours.